Comment suis-je devenue peintre? me demandes-tu.
Je te réponds: on ne devient pas peintre.
On l’est depuis toujours. C’est en nous. Il faut simplement enlever tout ce qui n’y croit pas, à l’intérieur.
Je pourrais t’écrire des pages sur le désespoir silencieux que je vivais à la maison quand je comparais les barbots couleur caca qui résultaient de mes essais avec les gouaches de ma sœur aînée tandis que sous son pinceau à elle naissaient des chefs-d ’œuvre.
Je pourrais continuer en parlant de mes sœurs plus jeunes qui dessinaient d’imagination alors que j’avais de la difficulté à tracer un bonhomme allumette sans aide.
Je pourrais te raconter comment j’ai osé m’aventurer à nouveau dans ce domaine que je m’étais interdit, après avoir pris plaisir à remplir des images dans un cahier à colorier avec un petit garçon de trois ans que je gardais à cette époque, il y a cinquante ans.
Ce qui a fait que quelques jours plus tard, alors que j’étais seule et désœuvrée – rien ne m’intéressait et l’avenir était un immense point d’interrogation devant moi - j’ai pris les gouaches de mon compagnon de vie de l’époque et j’ai peint ce que je voyais, ma main gauche en l’occurrence.
Quand il est entré du travail, il a vu ma peinture et s’est exclamé :
- Qui a fait ça?
- Moi...
- C’est beau!
Ce soir-là, la lumière s’est faite en moi. J’ai su ce que j’allais faire de ma vie, cette vie qui jusque-là me pesait.
J’allais consacrer ma vie à la peinture.
Au tout début, quand on est petit et perméable, on empile les doutes, les peurs, les complexes qui viennent de nos proches. Famille, école, professeurs ou compagnes et compagnons de classe. On se juge, on se compare et on enferme tout ce qui ne ressemble pas à la norme. Et en grandissant, on continue d’empiler nos propres critiques ce qui fait qu’on devient sourd au cri qui nous appelle de l’intérieur.
Une fois que j’ai compris que j’étais peintre, il fallait encore le devenir aux yeux des autres et j’avais beaucoup de choses à apprendre.
Je t’en parle très bientôt!
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